L’équilibre et le scorpion

J’ai envie de vous parler de l’équilibre. C’est un sujet crucial. Dans mes travaux de recherche et mes lectures sur les peuples indigènes, j’ai été fascinée de voir que cette notion d’équilibre revenait sans cesse. Au-delà de leurs différences culturelles intrinsèques, les peuples indigènes ont tous en commun la recherche d’un équilibre entre eux et la nature. Et ce ne sont pas les seuls, les anciennes traditions européennes ou indiennes parlent de Cosmos ou de Rita, qui signifient l’ordonnancement juste et beau de la nature, l’équilibre de la nature. C’était un de mes thèmes favoris lorsque que j’enseignais l’histoire et l’anthropologie des sciences. Pourtant, j’ai l’impression de me cogner à une porte cadenassée lorsque je cherche à transposer cette notions dans mes références culturelles occidentales modernes. J’ai la sensation que, pour y accéder, il faut ouvrir les portes de la perception et que celles-ci sont bloquées par ma vision européenne ou scientifique.

La posture du scorpion en yoga est parfaite pour parler de l’équilibre et l’explorer. L’une des premières fois où je me suis lancée dans cette posture, je me suis rabotée le nez en m’effondrant sur le sol ! Je voulais impressionner mon cousin qui était de passage. Il a été impressionné en effet ! Il faut dire que le scorpion n’est pas considéré comme une posture facile. Rien que le nom fait peur ! Il s’agit de poser ses avant-bras sur le sol, de relever la tête et de basculer ses jambes en hauteur puis arrondir le dos afin d’avoir les pieds au-dessus de la tête.

Ça ressemble à cette image :

Pendant des années, j’ai pratiqué cette posture presque tous les jours, pour tenter de comprendre ce qui faisait que je ne tenais pas en équilibre. Ou bien était-ce pour désamorcer la peur issue de ma première tentative échouée. Et voilà qu’aujourd’hui, je tiens en équilibre dans le scorpion et je n’ai presque plus peur de tomber. Presque. Que s’est-t-il passé pour que ça marche ? J’avais placé le tapis différemment de d’habitude et j’ai eu la flemme de le remettre. Alors, j’ai posé mes coudes différemment sur le bord du tapis, pour une question de place, et mon équilibre corporel a été déplacé de quelques millimètres : et tout à coup, la posture est devenue stable ! Incroyable comme le fait de se décaler un chouillat peut tout changer. Il est certain que le renforcement musculaire et la souplesse acquises à force de tenter pendant plusieurs années cette posture ont aidé, mais il a fallu un petit plus pour faire la différence. L’essentiel a été de s’approcher peu à peu de l’équilibre. Je pensais que cette posture resterait à jamais inaccessible. Du coup, beaucoup d’autres choses me paraissent maintenant accessibles. En méditation par exemple. Persévérance et changement d’un millimètre du regard… nouveau champ, nouvel équilibre.

En fait, en science, il y a bien des moments où l’on parle d’équilibre. L’équilibre naturel, on l’apprend en écologie scientifique. L’équilibre des écosystèmes. Ou bien en physique, avec l’équilibre des systèmes dynamiques. D’ailleurs, peut-être est-ce la thermodynamique qui nous réconcilierait le mieux avec l’idée indigène d’équilibre dans la nature. Cette science permet de parler de dissipation d’énergie, de diffusion, de dispersion et de rayonnement. Les principes de la thermodynamique nous apprennent que les systèmes cherchent à minimiser la perte d’entropie. Les techniques de yoga ou de méditation visent aussi à canaliser l’énergie du corps et du mental, à l’optimiser et éviter qu’elle se disperse. Donc, éviter que le mental se disperse, c’est une manière de parler d’énergie et d’entropie! En général, je ne suis pas favorable à l’imbrication de la science et de la spiritualité, parce que ça fait faire des raccourcis. Mais quand cela permet de trouver des descriptions plus évocatrices, alors je ne fais pas la difficile ! Mais je vous ai peut être égarés avec ce raccourci ?

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