Les trois premiers Yoga-Sutras

Les Yoga-Sutra sont ce qui nous rapproche au plus près des origines du yoga.

Ils auraient été écrit par un sage mythique, peut-être plusieurs auteurs différents en fait, autour du 5ème avant J.C jusqu’au 2ème siècle après. Il est difficile d’avoir des datations précises car il s’agit d’une tradition orale. Selon certains chercheurs, Patañjali aurait vécu 200 ans avant notre ère. D’autres théories sous-entendent qu’il n’aurait pas été le seul à avoir composé l’intégralité du livre. Certains avancent une lignée de quatorze écrivains portant le nom de Patañjali. L’analyse des styles des sutra semble montrer que la composition du Yoga-sūtra se serait étendue du IIème au IVème siècle avant notre ère.

Les Yoga sūtras de Patañjali sont un recueil de 195 aphorismes, des phrases brèves, destinées à être facilement mémorisées. “Sûtra” veut dire aphorisme, ou fil, par référence au fil conducteur ou à la toile qui se tisse mot après mot. Ce texte est la base du système philosophique du yoga, il s’intéresse avant tout à la clarté du mental. Plus je l’étudie et plus je me délecte de sa subtilité et de sa profondeur.

Je vous invite à lire sur mon site l’interview de l’historien David Gordon White, qui s’est intéressé à l’histoire des Yoga-Sutra. Il explique qu’il y a eu une période d’environ quatre à six cents ans, entre 700 et 1200, où beaucoup de gens lisaient les Yoga Sutras , écrivaient des commentaires et s’y référaient. C‘était une tradition respectée et largement connue avant son déclin, qui a commencé vers l’an 1200.

Au moment où les Britanniques sont arrivés au XIXe siècle, les Yoga Sutras avaient été presque oubliés pendant plusieurs siècles. Krishnamacharya, dont les biographes font de lui un grand connaisseur de Yoga Sutras, a également souscrit à l’idée que les Yoga Sutras ont toujours été le guide de la pratique du yoga tel que nous le connaissons. Pourtant, les données historiques ont clairement montré que Krishnamacharaya n’avait pas une telle compréhension des Yoga Sutras, du moins pas au début de sa vie, et que les liens que lui et Desikachar, son fils, en particulier, avaient établis avec Les Yoga Sutras ne sont pas très bien fondés, historiquement.

Que veut dire Yoga-Sutra ?

Sutra : sutra fil, cordeau (règle ancienne)

Yoga : fait de relier, d’unir, d’atteler, harmonie mais aussi véhicule, moyen, méthode, aptitude, zèle. C’est le véhicule pour l’harmonie !

On commence par les 3 premiers sutras du 1er chapitre parce qu’ils sont essentiels pour savoir quel est le but du yoga.

Chap 1. Samâdhi pada

Traduction : Chapitre sur le samâdhi

Sam : ensemble, parfaitement

Dhâ : poser

Samadhi : état d’unité, d’absorption

Pâda : pied (chapitre)

Chapitre destiné à décrire l’état de samâdhi, qui est un état de grande clarté mental, d’éveil. État de déconditionnement dans lequel on peut s’unir à la vie.

YS.1.1 Atha yogânushâsanam

Traduction : Maintenant (voici) l’enseignement sur le yoga

Atha : maintenant. Il s’agit de créer un espace pour laisser quelque chose advenir. Ici créer une ouverture pour laisser l’enseignement être reçu. Le yoga peut être enseigné à celui qui est prêt, disponible.

Anushâsanam : enseignement transmis de maître à disciple depuis des générations. Ce terme souligne la lignée d’enseignants qui a permis que ce savoir parvienne jusqu’à nous. C’est aussi une manière de leur rendre hommage.

Ce sutra vous dit quelque chose d’extraordinaire : il vous dit que maintenant vous êtes prêt à entendre les enseignements sur le yoga transmis par des générations de penseurs et pratiquants. Si vous lisez ce sutra maintenant c’est que maintenant le temps est mûr pour vous. Ce n’est pas demain ni plus tard, c’est maintenant que vous êtes prêts. Alors lancez vous sans attendre !

Il dit aussi que le yoga se vit et se transmet dans l’instant présent, c’est une invitation à porter un regard différent sur l’écoulement du temps. L’enseignement se vit dans l’instant présent.

YS. 1.2 Yoga citta vritti nirodhah

Traduction : Le yoga est l’orientation des mouvements de l’esprit

Citta : mental. Organe de la pensée. On ne l’appelle pas l’esprit, ni l’âme ni la conscience, qui sont des termes se rapportant à d’autres terminologie. On reste là vraiment sur la concept d’esprit dans le sens de la production de pensées.

Vritti : tourbillons, fonctionnement conditionné, mouvement automatique, répétitif, routinier

Nirodha : orientation, canalisation

Le yoga est un état particulier du mental. Habituellement fluctuant, celui-ci peut être orienté complètement (nirodha) et mené vers une situation d’harmonie et de clarté totales. Il ne s’agit d’arrêter toute activité mentale, mais d’orienter les mouvements de la pensée automatique, vers plus de présence, vers une totale présence. Le mental est fait pour fonctionner, tout comme un oiseau pour voler, mais il s’agit de gérer ce fonctionnement pour ne pas le subir. Ce n’est pas lui le maître à bord.

YS.I.3 Tadâ drasthuh svarupe avasthânam

Traduction : Alors, celui qui voit est rétabli dans sa nature.

Tadâ : alors

Drastuh : celui qui voit (drashtr = voir), le témoin, le Centre, le Soi

Sva rupe : sa nature, sa forme, à sa place

Avasthânam : installé

Au-delà du mental, se trouve un témoin, une conscience pure, lumineuse, notre centre. Lorsque le mental est apaisé, il retrouve sa place maîtresse, et c’est l’harmonie (yoga). Cette conscience est source de vie et de béatitude. Ces 3 premiers sutras annoncent directement la couleur ! Ils nous disent ce que nous allons trouver avec le yoga, et comment faire. En cessant l’agitation mentale (celle qui est automatique), se révèle notre être, le Soi. Ce centre, ce voyant, sont ce qui nous relie à la conscience universelle. C’est aussi la source de vie, et donc ce qui nous lie au vivant. C’est la pure conscience qui redevient consciente de sa nature !

Le yoga est cet état d’union. Le yoga est un état. Mais il y a des outils pour atteindre cet état, et ces outils sont étudiés au chapitre 2, notamment avec le kriya yoga (yoga en action).

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