Vous voulez savoir où vous en êtes de votre pratique ? Les 4 étapes du chemin vers l’éveil

Lorsqu’on pratique le yoga et la méditation, on vise souvent un but, qui est l’éveil. Difficile de savoir où on en est sur le chemin de cette connaissance de Soi, qui implique des prises de conscience. Certains disent que notre capacité à être conscient dans les rêves et le sommeil, est un bon indicateur. Mais on peut aussi se référer aux 4 étapes. Les étapes du chemin sont comme une spirale ascendante qui s’enroule progressivement vers le sommet. Ces étapes sont le fruit de l’expérience des moines et yogis du passé.

Voici des extraits du chapitre « Les étapes du chemin ou les 4 yogas », issu du livre Mahamudra (Eric Sablé, Takpo Tsahi Namgyal, p137, Ed Les Deux Océans).

Ces descriptions servent de borne au méditant pour qu’il sache où il se trouve et le chemin qu’il lui reste à parcourir. Cependant le disciple ne suivra pas forcément cet ordre de façon précise. Les différents niveaux avec lesquels nous partons (élevé, moyen, bas, cf lien avec yoga sutra) dépendent des vies antérieures. Un disciple avancé réalisera rapidement l’état de quiétude et comprendra instantanément l’essence naturelle de l’esprit. Un disciple moyennement mûr comprendra intellectuellement le mahamudra mais il ne le réalisera que par intermittences. Un tel disciple peut stabiliser son expérience dans la solitude. Le disciple peu mûr doit réaliser progressivement les 4 stades qui sont :

  1. Le disciple réalise parfois la nature essentielle de l’esprit. Il vit un état de clarté et de vacuité, dénué de centre et de circonférence, semblable à l’espace. Il est établi dans la sérénité de l’éveil. Cependant l’expérience ne dure pas. A ce stade, lorsque le disciple sort de son état d’absorption intérieur, cette sensation de joie, de vacuité lumineuse, s’estompe et le monde lui semble solide, réel. Ses rêves deviennent de plus en plus clairs, mais il a du mal à réaliser l’état d’absorption qu’il ne maîtrise pas encore. L’état de clarté lumineuse s’approfondit. Le disciple entre facilement dans l’état de méditation. Les pensées sont peu nombreuses. En dehors des périodes de pratique, la clarté lumineuse est toujours plus présente. Ses rêves deviennent peu nombreux. Finalement, dans la dernière étape de ce stade, le disciple vit une vacuité lumineuse et une béatitude ininterrompue pendant la méditation. Même les rêves se dissolvent. La sensation du vide augmente et il perçoit de plus en plus le monde comme un vaste songe. A ce moment, le disciple éprouve le besoin de se retirer dans la solitude d’une grotte ou d’un ermitage. Si, au bout de plusieurs années de pratique, le disciple ne progresse pas et ne sort pas de cette première étape, il devra pratiquer les 3 détachements :
    1. Détachement des aspects mondains
    1. Détachement des possessions
    1. Détachement des sensations de joie et de béatitude associées à son état d’absorption intérieure. Il devra demeurer seulement dans un état d’éveil, de pure présence, dépouillé de toute sensation de plénitude.
  2. Dans ce deuxième stade, le disciple connaît la nature essentielle de l’esprit, mais dans un sens plus profond, comme un état d’éveil continu. Le disciple a le pouvoir de s’absorber dans l’état non né, libre de naissance ou de dissolution et de toute forme de dualité. Le niveau le plus bas de ce stade est une saisie du caractère vide de l’esprit en son essence. Cependant, le disciple n’est pas complètement détaché. Il est encore sujet à la peur. Peur d’errer dans le samsara ou désir d’atteindre le nirvana. Ses rêves sont encore sources d’illusion, c’est-à-dire qu’ils échappent au vécu spirituel de l’état de veille. Il n’y a as continuité de conscience.  Puis le disciple comprend que l’esprit est dénué de base, de racine, de fondement, et son attachement au monde des apparences comme à la vacuité disparaît. A ce moment, il a coupé la vraie racine des pensées. Cependant le disciple n’est pas complètement dénué des doutes et des illusions à propos du monde phénoménal.
  3. Le troisième stade ou troisième yoga est la réalisation du caractère vide du samsara et du nirvana. Le disciple réalise que « La diversité du monde est une et semblable au vide. » Toutes les dualités se résolvent : celles de la pensée et de la vacuité, de l’apparence et du réel, du vide et de la plénitude, de l’état de méditation et de non-méditation, etc. Toutes ces dualités n’ont finalement qu’une seule saveur… Le yogi a déjà eu un apperçu de cette unité au stade précédent, mais c’est seulement avec cette étape qu’il peut la vivre pleinement. Au cours de cette phase, le yogi perçoit l’univers comme la manifestation de l’esprit primordial, éternel. Il peut se transformer en n’importe quelle forme. Il connaît parfaitement les fils du karma et ses interactions les plus mystérieuses. Il réalise la pureté primordiale de tous les phénomènes, il vit la merveilleuse expérience de l’union  de l’esprit, de l’univers et du corps. Mais il demeure attaché aux sensations de béatitude résultant des états d’absorption intérieure. En dehors des heures de méditation, il perçoit parfois la dualité et le monde lui apparaît comme réel et non comme une illusion. Il arrive que ses rêves soient brièvement souillés par l’attachement. Pendant l’étape suivante de ce yoga, il abandonne tous liens et efface la distinction entre phénomènes internes et externes. Ses pensées ne sont en rien différentes des objets du monde. C’est seulement à ce moment qu’il peut réellement aider les autres et enseigner. Finalement, le yogi réalise l’unité de toute chose et il peut maintenir l’état vécu pendant la méditation jour et nuit, dans toutes les circonstances de l’existence. Le monde lui apparaît comme une illusion fugitive, une expression du vide. A ce stade, sa conscience se maintient dans le sommeil et ses rêves sont toujours lucides.

Note : Il est intéressant de remarquer que les rêves reflètent l’état intérieur du disciple, depuis les rêves confus du débutant jusqu’à l’absence de rêves et la conscience qui se maintient constamment dans le sommeil profond du yogi parfaitement éveillé. Le maître hindou contemporain Chandra Swami donne le même enseignement. C’est une façon simple de savoir où en est le disciple.

4. Le quatrième et dernier yoga est le yoga de la non-méditation. Le yogi se défait de la subtile opposition entre le méditant et la méditation qui est comme une ultime illusion. Cette dualité disparaît, s’efface « comme l’espace ne conçoit l’espace ou le vide ne peut pas méditer sur le vide ». C’est l’éveil suprême, la réalisation de la Réalité infinie. Le yogi a unifié la vacuité sans limite et la sagesse suprême. Le yogi arrivé à ce stade ne pratique plus ni les états d’absorption intérieurs ni l’état de présence. Il demeure constamment dans l’état de non méditation. Cependant, il possède encore un attachement subtil aux merveilleuses expériences spirituelles, qu’il vit comme une dernière et éphémère illusion. Puis il se libère même de ce très subtil attachement. Mais il demeure une conscience égotique presqu’imperceptible. Finalement dans la dernière phase de ce processus, cette conscience très subtile presque indétectable se transforme et devient « l’état d’éveil lumineux qui émerge spontanément ». C’est l’illumination du dharmakaya qui est l’accomplissement et la disparition du chemin….

8 commentaires sur “Vous voulez savoir où vous en êtes de votre pratique ? Les 4 étapes du chemin vers l’éveil”

  1. Merci pour cet article, il est très intéressant et il remet les choses à leur place très clairement : on n’est pas rendu.es !! 😉 Il donne des directions simples et épurées. Je pense que la capacité au détachement est en lien avec la conscience de la mort et que dans notre modernité cette conscience est quelque peu émoussée… Qu’elle soit camouflée ou dramatisée, elle n’est pas souvent envisagée sérieusement les yeux ouverts. Thich Nhat Hanh (« Il n’y a ni mort, ni peur », 2002) conseille d’apprendre à acquérir la vision de l’impermanence :
    « En colère dans la dimension ultime
    Je ferme les yeux et regarde profondément.
    Dans 300 ans
    Où seras-tu et où serai-je ? »

    1. Merci pour ce commentaire Caroline. Oui, il y a du boulot ! 😉 Et oui, le détachement, je suis d’accord, est en lien avec la conscience de la mort. Merci pour cette citation.

  2. Il se pourrait bien que plus le but soit maintenu conceptuellement comme étant éloigné, plus la séparation moi-éveil ne se renforce effectivement. Justement dans le rdzogs chen le début de la voie est la fin des autres véhicules, c’est-à-dire l’éveil. Ce paradoxe est-il réductible ? En tout cas ça allège la perspective.

    1. Merci du commentaire. Oui, je suis assez d’accord. Le maître de Daniel Odier (qui était une maîtresse, mais le terme peut porter à confusion !), lui disait qu’on avait tous connu un instant d’éveil dans l’enfance ou l’adolescence, et que c’était indispensable pour chercher à le retrouver : « sans expérience préalable d’éveil, aucune ascèse, aucune pratique, aucune méditation ne porte ses fruits. Pense à ton enfance. Pense à ton adolescence. Là se trouve une expérience d’éveil » .

  3. Je ne sais pas à propos de ce préalable qui semblerait indispensable. Ce qui se présente est le terrain de jeu et voir, dans la détente, ce que l’on colle sur la neutralité du monde est le jeu.
    Pour le maître de l’auteur de romans, à l’imagination fertile, que vous citez, pensez-vous que leur rencontre s’est véritablement produite ?

  4. … Pour continuer sur votre remarque, ce dont je peux témoigner, sans en faire une montagne, c’est qu’il y a des instants, des espaces de grâce où la perfection et la joie s’installent, plus ou moins durablement, de manière impromptue et totalement inattendue, alors même que les conditions de vie s’avèrent parfois désastreuses.
    Ces moments sont généralement marquants et laissent la possibilité d’une brèche. J’ai fini par laisser de côté les considérations religieuses et conceptuelles qui laissent à penser qu’une quelconque accumulation méritoire, karmique ou autre acte spirituel seraient à l’origine de ces moments d’ouverture. Goûter ces espaces suffit amplement. Alors, la seule évidence qui s’impose, est que si cette perfection se présente c’est qu’elle est déjà là et n’a nullement besoin d’une cause hypothétique. Autre évidence c’est qu’il n’y a surtout pas rechercher cela, ni à vouloir le retrouver, il suffit de vivre le prolongement de ce parfum pour savoir vraiment qu’il n’y a pas de rupture et d’éloignement possible.

    Pour moi, l’ouverture au monde sans crainte de celui-ci, ce que certains appellent bodhicitta, ne peut passer que par ces brèches et non par un montage factice où l’on se joue un film d’empathie et de compassion

    … ce n’est qu’un moment de partage et dites-moi si c’est approprié de le faire ici.

  5. Bonjour,
    oui merci beaucoup, ce partage est bienvenu. J’ai la même impression que vous mais ce que je comprends aussi par ailleurs, c’est que pour que cette brèche s’ouvre durablement, là il y a quelque chose à faire ! Et les différentes pratiques visent à cela, à faire que ces instants ne soient pas éphémères mais qu’ils habitent le quotidien.

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